La Closerie de Lilas, un prix littéraire hors saison
Depuis 2007, cette récompense anime l'actualité littéraire du printemps. Ce prix a pour vocation exclusive de promouvoir la littérature féminine en langue française. Chaque année, un jury composé de femmes des arts et des lettres, décerne cette récompense parmi les romans parus entre janvier et mars de l'année en cours. Le prix 2024 a recompensé Arièle Butaux pour Le cratère (paru chez Sabine Wespieser), qui succède à Yasmine Ghata, Lola Lafon, Alice Zeniter ou Sandrine Collette. Panorama de tous les lauréats annuel du Prix de La Closerie de Lilas, en ordre chronologique inversé.
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Aurore est toujours si gaie ! Dès sa tendre enfance, elle a su qu'il lui faudrait vivre pour deux, compenser par son exubérance et sa santé insolente la naissance, deux ans avant la sienne, d'un enfant « différent ». Même si le mot n'est jamais prononcé, Lucas est lourdement handicapé. Leurs parents donnent le change, gardent pour eux ce malheur face auquel personne ne sait vraiment comment se comporter et Aurore, qui s'accroche à l'idée d'une guérison possible, grandit comme si de rien n'était. D'autant que Lucas est élevé par leurs grands-parents, dans une maison proche de la mer, où on ne le promène que hors saison et dans des lieux peu fréquentés.
Pour décrire la détresse de cette « enfant de remplacement », qui très vite devient plus grande que son frère, mais aussi l'amour fou qu'elle lui porte et son appétit de vivre, Arièle Butaux trouve des mots d'une justesse tranchante. La ligne claire de ce magnifique roman, aussi dense qu'il est bref, est celle d'une émotion contenue, permettant d'approcher avec une extrême pudeur le cratère abyssal d'un chagrin qui n'a pas de nom, « le mal de frère », mais également de dire les liens indéfectibles d'une famille soudée par un amour immense. -
Des décennies après son départ, la narratrice, une romancière de renom, revient dans le village qui l'a vue naître. Dès son arrivée, elle est en butte à l'hostilité des villageois qui l'accusent d'avoir sali dans ses livres leur réputation et leurs familles.
Tandis qu'elle retrouve les visages, les lieux et les odeurs de son enfance, son histoire la submerge. Lui revient en mémoire son passé, et un terrible secret de famille si longtemps gardé refait surface. Encouragée par la parole, testamentaire de son maître spirituel et auteur du Prophète Khalil Gibran, dont l'ombre plane sur le village, elle veut dévoiler l'indicible, s'en affranchir et rendre justice.
Réalité et fiction se mêlent dans ce roman dense, incisif et fascinant. D'une plume aussi tranchante que poétique, Yasmine Ghata parvient à créer une ambiance sensuelle et envoûtante, et révèle au lecteur la force libératrice de la littérature. -
Situé au coeur d'un Sud imaginaire, aux lourds secrets transmis de génération en génération, "Les Silences d'Ogliano" est un roman d'aventures autour de l'accession à l'âge adulte et des bouleversements que ce passage induit. Un roman sur l'injustice d'être né dans un clan plutôt qu'un autre - de faire partie d'une classe, d'une lignée plutôt qu'une autre - et sur la volonté de changer le monde. L'ensemble forme une fresque humaine, une mosaïque de personnages qui se sont tus trop longtemps sous l'omerta de leur famille et de leurs origines récompensée par le prix de la Closerie des Lilas 2022.
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«Seul l'éclat vert de ses yeux a survécu au naufrage de son corps. Mais cet éclat a la dureté d'une émeraude.» À trente ans, Seyoum est devenu l'un des plus gros passeurs de la côte libyenne. Chaque jour, il remplit des embarcations de plus en plus précaires de désespérés qui veulent rejoindre l'Italie. Mais Seyoum, pris en étau entre les gardes-côtes corrompus et la concurrence féroce d'autres passeurs tout aussi cruels que lui, sait que ses jours sont comptés. C'est alors que, parmi les derniers candidats à la traversée, il croit apercevoir Mahida. Dix ans plus tôt, Seyoum était encore capable d'aimer. Comment a-t-il perdu toute humanité ? Est-il encore temps de sauver quelque chose ?
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Corentin, personne n'en voulait. De foyer en foyer, son enfance est une errance. Jusqu'au jour où sa mère l'abandonne à Augustine, l'une des vieilles du hameau. Au creux de la vallée des Forêts, ce territoire hostile où habite l'aïeule, une vie recommence.
À la grande ville où le propulsent ses études, Corentin plonge sans retenue dans les lumières et la fête permanente. Autour de lui, le monde brûle. La chaleur n'en finit pas d'assécher la terre. Les ruisseaux de son enfance ont tari depuis longtemps. Quelque chose se prépare.
La nuit où tout implose, Corentin survit miraculeusement, caché au fond des catacombes. Revenu à la surface dans un univers dévasté, il est seul. Guidé par l'espoir insensé de retrouver la vieille Augustine, Corentin prend le long chemin des Forêts. Une quête éperdue, arrachée à ses entrailles, avec pour obsession la renaissance d'un monde désert, et la certitude que rien ne s'arrête jamais complètement.Tout est juste et sans concession, des sentiments complexes de l'être humain aux exigences de la nature en passant par l'incroyable instinct de survie. Sandrine Collette signe un opéra grandiose. L'Express.Grand Prix RTL-Lire 2020. Prix du livre France Bleu-Page des libraires 2020. Prix de la Closerie des lilas 2020. -
"L'amour fou est l'un des derniers bastions d'insurrection possible".
Vienne, Automne 2015. Le climat se dérègle. L'Europe ouvre ses frontières aux réfugiés. Une femme aime passionnément deux hommes. Dans la faille créée par l'amour qui la dédouble entre Richard et Paul, entre sa fille et sa mère, Sarah se confronte aux horreurs d'un siècle hanté par le mal et à une malédiction familiale qui court depuis quatre générations. Une fresque puissante et sombre sur les fantômes que nous portons en nous. Un livre incandescent sur le courage de vivre.
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Dans un premier roman fulgurant où le quotidien le plus ordinaire se transforme en aventure fantasque, Odile d'Oultremont nous entraîne dans l'histoire de Louise, d'Adrien et de leur amour singulier.
Adrien, employé modèle, mène une vie sans surprises, réglée au millimètre. Louise, artiste peintre, traverse le quotidien en le réinventant sans cesse. Leur rencontre métamorphose leur existence. Louise emporte Adrien dans les méandres de ses fantaisies, Adrien comble Louise d'un amour infini. Mais la vie prend parfois des détours inattendus. Lorsque la santé de Louise se dégrade, forte de son imagination et accompagnée d'Adrien, son allié de toujours, elle décide de se battre. De son côté Adrien, pour la première fois, déroge à sa routine : il quitte à l'insu de tous son travail monotone pour accompagner sa femme, et tente, avec elle et par la force d'un souffle créatif puissant, de vaincre la maladie.
" Un premier roman lumineux et fantasque, sous le signe de Boris Vian, sur l'absurdité du monde de l'entreprise et la puissance de l'amour. " Le Point Prix de la Closerie des lilas 2018. -
1945. Franz sort de Dachau. Il y a été emprisonné pour ses articles d'opposition au Troisième Reich, qui vient de s'effondrer. Dans le désastre physique et moral de l'Allemagne vaincue, il part à la recherche de son fils, Kasper, dont il ne sait plus rien depuis qu'il l'a inscrit aux Jeunesses hitlériennes, avant son emprisonnement. De retour dans sa ville natale, il constate que les gens sont énigmatiques, fuyants, éludent ses questions. Un soldat américain venu enquêter sur un mystérieux programme nazi, « Aktion T4 », refuse de lui donner certaines informations. C'est alors que Franz entend des rumeurs au sujet de l'hôpital d'Hadamar. Il s'y rend, déterminé à retrouver son fils, quel que soit le prix de sa quête.
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Attila Kiss, cinquantenaire hongrois en bout de course, tombe amoureux d'une jeune Viennoise riche et cultivée. Tout les sépare : la classe sociale, l'Histoire de l'Empire austro-hongrois, l'ancien mur entre l'Est et l'Ouest. Dans son deuxième roman, Julia Kerninon illustre magistralement l'idée que l'amour est un art de la guerre, avec ses victoires, ses défaites, ses frontières, et sa conquête de l'altérité.
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Azadi signifie liberté en persan. Il y a ceux qui la rêvent et ceux qui en paient le prix.
Téhéran, juin 2009. Après des élections truquées et la confirmation d'Ahmadinejad à la tête de la République islamique d'Iran, une colère sourde s'empare de la jeunesse instruite de Téhéran.
Raha manifeste chaque matin avec ses amis étudiants place Azadi malgré les mises en garde de ses aînés, malgré la répression féroce qui sévit. Jusqu'au jour où sa vie bascule. Après son arrestation, et une détention d'une violence inouïe, ses yeux prendront à jamais la couleur de l'innocence perdue. Mais comme elle s'était battue pour son pays, Raha se battra pour que justice lui soit rendue...
Tout en levant le voile sur une psyché iranienne raffinée et moderne, sans manichéisme et avec un souffle d'une violente beauté, Azadi dit de façon magistrale le terrible supplice de celle qui cherche, telle une Antigone nouvelle, à obtenir réparation. Et à vivre aussi... dans un lieu où le sort des femmes n'a aucune importance. -
Retraçant le parcours d'une fée gymnaste qui, dans la Roumanie des années 1980 et sous les yeux émerveillés de la planète entière, mit à mal guerres froides, ordinateurs et records, ce roman dont la lecture politique n'épargne ni le bloc de l'Est ni la version falsifiée qu'en donnait à voir l'Occident délivre une passionnante méditation sur l'invention et l'impitoyable évaluation du corps féminin.
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Une maison en bois près de la gare Nyugati, à Budapest. C'est là, au bord des rails, que les Mándy vivent de génération en génération. Le jeune Imre grandit dans un univers opaque, mélancolique, de non-dits et de secrets, où Staline est toujours tenu pour responsable des malheurs de la famille. Même après l'effondrement de l'URSS, qui fait entrer dans la vie d'Imre les sex-shops, le consumérisme, et Kerstin, une Allemande, incarnation de l'Ouest libre et heureux. Car si le régime a changé, Imre sait bien que ce bonheur-là n'est pas pour lui. Un roman à la poétique singulière, tout en dégradés de lumière et nostalgie, qui peint et révèle les êtres dans leurs contradictions et leur fragilité..
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'Martine pleure devant la tombe de sa mère. Son visage est boursouflé. Elle a grossi, elle est vêtue de noir, mais l'effet n'est pas chic. Elle porte un pantalon flasque et un pull qui dégouline jusqu'à mi-cuisses. Cela fait peut-être trente ans que je ne l'ai pas vue. On m'avait prévenue, elle a changé. On m'avait prévenue, tu ne la reconnaîtras pas. On m'avait prévenue comme si j'étais un être fragile à qui il fallait éviter les chocs.' En retrouvant des années plus tard une cousine perdue de vue, la narratrice se trouve plongée dans un univers qui l'effraie et la fascine jusqu'au vertige. Les personnages de ce nouveau roman de Nathalie Kuperman sont impressionnants de brutalité, presque de sauvagerie, et pourtant bouleversants de franchise, d'humanité blessée.
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Lili n'est pas d'une nature à baisser les bras. Elle a une certitude chevillée au corps : « il faut dépasser ses malheurs en klaxonnant bien fort, garder ses cheveux au vent et continuer à offrir son beau visage au soleil ».
Pourtant, les obstacles, Lili les accumule. Banlieusarde juive et kabyle, née de père inconnu, elle va trouver la force de s'en sortir, même si elle vient du mauvais côté du périphérique.
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Décoré à son insu pour une importante découverte qu'il a oubliée depuis longtemps, un scientifique à la retraite voit soudain son salon envahi d'admirateurs et de journalistes venus le féliciter, mettant à mal son intime désordre.
Sa femme de ménage, ultime rempart contre l'impudeur du monde, lui cuisine des lentilles. Et tandis qu'irrémédiablement l'heure des honneurs se rapproche, le passé fait de même. D'une visite impromptue (et ratée) à un vieil ami perdu de vue en réminiscences familiales semblables à d'étranges phénomènes gazeux, notre homme explore sa solitude avec une impavide bien qu'inquiète curiosité. Avec l'humour légèrement amer, la tendresse étonnée et la noirceur singulière qui caractérisent ses nouvelles, Véronique Bizot poursuit dans ce premier roman son observation sans concession des effets secondaires de l'absurdité de nos vies, déshabillant la logique du désespoir jusqu'aux os.
Et impose, comme une étonnante évidence, un univers à la fois déroutant et délectable.
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Si ce roman se passe au début du XXème siècle, dans le sud des Etats-Unis, époque et territoire qui me sont étrangers, c'est parce que cette histoire de coureur de dot ne pouvait avoir lieu que là, sur ces terres puritaines hantées par l'idée du péché. Mon personnage est un aventurier de l'amour, et l'Amérique convient à son sens de l'aventure.
Né d'une fille-mère, le jeune Marie est contraint de découvrir que l'amour peut nourrir son homme. L'amour et l'argent ont toujours été liés, et la littérature ne peut pas feindre d'ignorer les rapports complexes qu'ils entretiennent. Marie aime sincèrement celles qu'il dépouillera. Mais il a faim.
Ce livre raconte son parcours, de l'enfance au crime.
S.H -
Ce matin Marthe ne va pas travailler. Elle vient d'aborder sa toute nouvelle existence : elle ne fera désormais que ce qui lui plaît. Une exigence absolue pour un mode de vie absolument choisi.
Fière d'avoir trouvé le courage de concevoir son destin d'une tout autre manière, Marthe décide de prendre le train pour son village natal, d'y rejoindre son père et de partager avec lui la douce euphorie de cette singulière audace comportementale.
Mais quand soudain le TGV S4arrête, quand dans une brume insondable au milieu de nulle part et sans la moindre information les voyageurs perdent leur sang-froid, la petite Marthe s'enchante et trouve là l'occasion d'appréhender le genre humain comme jamais. Un contrôleur dépassé, deux bavardes effarouchées, un vieillard rêveur promenant une cage à oiseaux, un navigateur sans bateau : le monde de Marthe est en marche et, dans le chatoiement de ses vêtements, le bruissement de ses imaginaires ; la jeune femme s'avance enfin sous la lumière de sa nouvelle indépendance.
Dans un territoire très singulier tout en nuances colorées, bigarrées de tendresse et de violences immenses ou minuscules, Cécile Reyboz compose avec poésie le portrait d'une créature hors du commun, une jeune femme habitée par le rêve, délicieusement tourmentée par les froissements de son être et qui progresse, tel un papillon, au-devant de sa propre vision du bonheur.
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« À mesure que le bac se rapprochait de La Rochelle, j'oubliais maman et la semaine auprès d'elle : c'était déjà du passé, cela ne comptait plus. Une nouvelle existence m'attendait, dont j'ignorais tout, mais qui allait modifier profondément le cours de ma vie, je le savais, je le voulais. Autour de moi, des vacanciers insouciants parlaient plages, météo, sorties en mer. En les regardant, en écoutant leurs propos, j'avais maintenant l'impression d'appartenir à un autre monde. Dans mon sac, il y avait une carte de Robert Bresson datée du 10 juillet : "Je vous attends. Je suis sûr que tout ira merveilleusement bien. À jeudi." » Anne Wiazemsky.