Dans la maison, tous les matins, je laisse Richter jouer Haydn, on pourrait l'écouter sans cesse, ré mineur, concert public de Mantoue, notes vives et détachées, j'aime le futur immédiat, je ne crains pas la répétition, jeu enfantin, cercle qui ne va nulle part, on écrit toujours pour une voix disait Beckett, pas de voix, pas de notes ni de mots. Le bonheur est possible. Je répète. Le bonheur est possible.Ph. S.
Les représentants du vieux Dieu mort et de la vieille littérature sont destitués, mais continueront à parler et à écrire comme si de rien n'était, ce qui est sans importance, puisque plus personne n'écoute ni ne lit vraiment. Les Banques, le Sexe, la Drogue et la Technique règnent, la robotisation s'accélère, le climat explose, les virus poursuivent leurs ravages mortels, et la planète sera invivable pour l'humanité dans trente ans. Malgré tout, un nouveau Cycle a déjà commencé, et les masques tombent. À vous de juger.Ph. S.
Kate, journaliste politique française ; Cyd, Anglaise vivant à New York ; Flora, anarchiste espagnole ; Bernadette, dirigeante féministe ; Ysia, Chinoise attachée d'ambassade ; Louise, une claveciniste ; Deborah, la femme du narrateur... Telles sont les femmes. Le narrateur, un journaliste américain, nous dit tout sur elles, mais sa réflexion embrasse l'évolution du monde, ces dix dernières années : pouvoir féminin, érotisme, crise, terrorisme, idées et passions des intellectuels. Rien de plus actuel que ce vaste roman.
Philippe Sollers nous invite à découvrir la ville dont il est amoureux depuis très longtemps. Le paysage maritime de la ville le fascine autant que la splendeur des places, des églises, des palais, des musées et le charme des canaux et des ruelles. Au fil des pages il évoque les écrivains, peintres et musiciens du monde entier qui ont aimé Venise : Vivaldi, Bellini, Titien, Manet, Monet, Proust, Hemingway, Cécilia Bartoli...D'Amour à Zattere, la riche iconographie du livre nous fait redécouvrir la Sérénissime au fil de l'eau.
«Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803), dit «le Philosophe Inconnu», est un penseur français, figure centrale de l'Illuminisme européen. On lui doit deux livres principaux, publiés à des dates très significatives : L'Homme de Désir (1790) et Le Ministère de l'Homme-Esprit (1802). Certains, contre toute évidence, prétendent qu'il n'est pas mort, et qu'il continue ses singulières activités révolutionnaires. Il aurait ainsi rencontré Rimbaud, et peut-être aussi, mais restons prudents, le narrateur de ce livre.» Philippe Sollers.
L'éternité est sûrement retrouvée, puisque, comme toujours, la mer est mêlée au soleil. Le monde n'a pas disparu, mais on dirait qu'il a été retourné pour reprendre son cours céleste. Tout est maintenant immédiat, le temps ne coule plus, et le plus stupéfiant est que personne ne semble s'en rendre compte. Plus de sept milliards d'humains genrés poursuivent leur existence somnambulique. Rien à voir avec un jugement dernier, la notion de jugement a été effacée en route. Tout est détruit, mais rien ne l'est.Ph. S.
Que fait au juste Pierre Froissart, écrivain clandestin, l'été, dans un petit palais de Venise ? Pourquoi est-il accompagné de cette jeune physicienne américaine, Luz, avec laquelle il a l'air de si bien s'entendre ? Activités illégales ? Drogue ? Trafic d'oeuvres d'art ? Mais quel est alors le réseau international qui l'emploie, lui et certains de ses anciens amis ? Et que représente au fond cette toile de Watteau qu'il doit acheminer vers son but secret ; cette peinture célèbre et recherchée qui donne son nom au roman et l'entraîne peu à peu, comme d'elle-même, dans une révélation de l'Histoire ?
Ce livre est un roman. Nous sommes dans le sud-ouest de la France, vers Bordeaux et ses grands environs, d'où l'ensemble de l'Histoire, peu à peu, se dévoile. Personnages principaux : Henri (1850-1930), le navigateur. Edna (1854-1936), l'Irlandaise. Louis (1870-1956), l'escrimeur. Lena (1922-2007), la magicienne. Invité permanent : William Shakespeare (1564-1616).
«Dans le chaos actuel, le narrateur de ce roman est amoureux de Lisa, une jeune pianiste grecque exceptionnelle. C'est la beauté.» Philippe Sollers.
«Nora, 40 ans, est psychanalyste. Son amant, un romancier français controversé peu nobélisable, s'intéresse de près à Freud et à Lacan. Il veut aussi comprendre pourquoi, récemment, contre toute attente, Paris est brusquement redevenu le centre d'un monde secret et nouveau.» Philippe Sollers.
Édition complétée en 1996 par un index des noms cités
«Vous êtes le peintre et le musicien de ces femmes, elles deviennent des personnages centraux de vos romans, elles peuvent prendre d'autres formes, d'autres figures, elles sont parfois rejointes par celles dont on ne peut pas dire le nom. Ce moment où l'une ou l'autre sort des vagues est unique, ce foulard est unique, ce fou rire aussi. La poudre du temps leur appartient.»
«Je lève les yeux. Mon refuge est parfait. Chambre et jardin. Les hauts acacias remuent doucement devant moi. Je sens les vignes tout autour, à cent mètres, comme un océan sanguin. C'est la fin de l'après-midi, le moment où le raisin chauffe une dernière fois sous le soleil fluide. J'ai donc fini par revenir ici. Après tout ce temps. Chez moi, en somme. Ou presque. L'une de mes soeurs m'a prêté la maison... Ni ferme, ni manoir, ni château ; chartreuse, ils appellent ça, repos, chasse, vendanges... Avec son drôle de nom musical anglais : Dowland... Je suis arrivé en voiture il y a deux heures... J'ai pris un bain, j'ai mis mon smoking pour moi seul, je me suis installé sous la glycine, pieds nus... Premier whisky, cigarettes... J'ai sorti ma machine à écrire, mon revolver, mes papiers : dossiers, lettres, cahiers et carnets... Vérifié si les malles étaient là, celles que j'ai demandé à Laure de me garder... Oui, deux grosses caisses remplies à craquer. Notre enfance aussi est tassée dedans, je suis sûr qu'elle n'a jamais jeté un coup d'oeil...»
Accoudé à son balcon, un jeune homme observe le monde intensément : le ciel bleu sombre, la silhouette d'une femme en robe rouge, le parc et ses premiers visiteurs du matin. Sur sa table repose le petit cahier orange, celui dans lequel il consigne toutes ses rêveries, le souvenir d'un ami tué dans une guerre, et l'ombre fuyante d'un amour perdu. Où cela mènera-t-il ?
Édition complétée en 2003 par un index des noms cités
Un adolescent, la province, une femme de trente ans. C'est le récit d'une éducation sentimentale. Sentimentale ? Il est surtout question de sensation. Education ? Sans doute, mais bizarre. Le jeune garçon est riche et oisif. La jeune femme est une domestique espagnole (du moins apparemment). Ils s'attachent violemment l'un à l'autre, se perdent, se retrouvent à Paris, se perdent. Ecrit à vingt ans, ce livre décrit la formation du narrateur. Qui semble s'intéresser davantage aux éclairages physiques et métaphysiques qu'aux répercussions psychologiques et à la société qui l'entoure. D'où sa solitude. Curieuse. Mélodique, au fond.
« Paradis est lisible (et drôle, et percutant, et riche, et remuant des tas de choses dans toutes les directions - ce qui est le propre de la littérature), si vous rétablissez en vous-même, dans votre oeil ou votre souffle, la ponctuation. /.../ De la vitesse de lecture, dépendent beaucoup de choses en littérature. La ponctuation, parfois, c'est comme un métronome bloqué ; défaites le corset, le sens explose ».
Roland Barthes, Sollers écrivain.
«Il y a deux sortes d'insomnies : celle de 3 heures du matin, et celle de 5 heures. À 3 heures, j'ai rendez-vous avec toutes les grandes catastrophes. Je marche nu, dans la neige, vers une chambre à gaz, je parcours les rues d'Hiroshima et de Nagasaki, au milieu des foules en désagrégation, je végète sans aucun espoir dans un camp de Sibérie, je tremble à Fukushima en plein tsunami nucléaire, je suis un chrétien d'Orient attendant d'être exécuté. Si je me réveille brusquement à 5 heures, tout est différent. À 5 h 15, la poésie existe, malgré un monde grouillant de folie.»
«Il est étrange de se dire qu'après Mozart tout s'est brusquement ralenti dans le bruit, la fureur, le tintamarre. Il y a eu une accélération de l'Histoire, soit, mais sur fond de stupeur, de torpeur. De nos jours, la vitesse est partout sauf dans les esprits. Du temps de Wolfgang, c'est le contraire. On voyage en diligence, les préjugés barrent l'horizon, c'est encore l'immense province, la noblesse, à quelques exceptions près, n'entend rien à ce qui va venir, mais le bouillonnement sensuel et neuronal est là, l'intelligence fuse à travers les doigts et les souffles. L'humanoïde actuel est un montage électronique à tête molle. La pointe du XVIII? siècle, au contraire, est un oiseau spirituel à animalité de soie et d'acier.»Philippe Sollers.
«Peu d'esprits sont assez libres pour accepter de savoir qu'une nouvelle religion, en cours de réalisation mondiale, a été fondée en France pendant la Terreur : celle de l'Être Suprême. Son désir de mort, son mauvais goût, sa manie du spectacle, son comique involontaire, son moralisme accablant, ses pratiques masquées, son clergé somnambulique des deux sexes, ses rituels corrupteurs marchands, ses crimes mécaniques n'ont eu, jusqu'à ce jour, qu'un analyste informé et lucide : Sade. En voici la preuve.»Philippe Sollers.
«Dès ma première rencontre avec Lucie, une formule espagnole m'est revenue à l'esprit : los ojos con mucha noche, les yeux avec beaucoup de nuit. Les coups de foudre sont rares, les coups de nuit encore plus. Les tableaux où Lucie apparaîtrait, si j'étais peintre, devraient être envahis par l'intensité de ce noir sans lequel il n'y a pas d'éclaircie. Noir et halo bleuté. Tout le reste, robes, pantalons, bijoux, répondrait à ce noir, nudité comprise. Mais la preuve, ici, est dans les lèvres, la bouche, la langue, la salive, le souffle. C'est en s'embrassant passionnément, et longtemps, qu'on sait si on est d'accord. le long et profond baiser, voilà la peinture, voilà l'infilmable. J'arrive toujours avec dix minutes d'avance. J'entends l'ascenseur, le bruit de la clé de Lucie dans la serrure, les rideaux sont déjà fermés, action.»
«On vit donc à Venise, Minna et moi, à l'écart. On ne sort pas, on ne voit personne, l'eau, les livres, les oiseaux, les arbres, les bateaux, les cloches, le silence, la musique, on est d'accord sur tout ça. Jamais assez de temps encore, encore. Tard dans la nuit, une grande marche vers la gare maritime, et retour, quand tout dort. Je me lève tôt, soleil sur la gauche, et voilà du temps, encore, et encore du temps. On se tait beaucoup, preuve qu'on s'entend. Les amoureux sont seuls au monde parce que le monde est fait pour eux et par eux. L'amour est cellulaire dans les tourbillons du hasard, et ces deux-là avaient une chance sur quelques milliards de se rencontrer à la même époque. Entre le français et l'italien, il y a une longue et bizarre histoire. Elle ne demande, avec Stendhal, qu'à s'approfondir.» Philippe Sollers.
«On croit savoir qui est Casanova. On se trompe. On n'a pas voulu que Casanova soit un écrivain (et disons-le calmement : un des plus grands écrivains du dix-huitième siècle). On en a fait une bête de spectacle. On s'acharne à en fournir une fausse image. Les metteurs en scène qui se sont projetés sur lui l'ont présenté comme un pantin, une mécanique amoureuse, une marionnette plus ou moins sénile ou ridicule. Il hante les imaginations, mais il les inquiète. On veut bien raconter ses «exploits galants», mais à condition de priver leur héros de sa profondeur. Bref, on est jaloux de lui, on le traite avec un ressentiment diffus, pincé, paternaliste. Il s'agirait plutôt de le concevoir enfin tel qu'il est : simple, direct, courageux, cultivé, séduisant, drôle. Un philosophe en action.»Philippe Sollers.
«Je n'ai rien appris, sauf le nécessaire, à l'école, mais l'École du Mystère n'a rien de socialement nécessaire, et il serait impossible de décrire son programme (il n'y en a pas). J'apprends, voilà tout. J'apprends en étudiant, soit, mais surtout en dormant, en rêvant, en parlant, en nageant, en baisant. Personne ne me dit ce qui est bien ou mal. J'apprends.»