«Pour les millions d'êtres humains qui vont au cinéma, le personnage créé par Chaplin était devenu un ami. Il jouissait d'une popularité et d'une affection qu'aucune créature née de l'imagination humaine n'a connues, que ce soit Don Quichotte ou le Petit Poucet, Robinson Crusoé ou le Bon Petit Diable. Il vivait avec plus d'intensité que tous les personnages des légendes qui, du nord au sud et de l'ouest à l'est, enchantent les enfants des hommes et les hommes enfants. Charlot était le héros de notre temps, un héros universel, l'homme qui avait fait rire le monde et qui l'avait aussi fait pleurer. Je n'ai voulu être que le modeste historiographe du petit bonhomme qui avait su exprimer, en la résumant, l'angoisse profonde du monde d'aujourd'hui. J'ai suivi pas à pas ses aventures retracées dans les films. Je n'ai donc fait que raconter ce que j'avais vu sur l'écran, en respectant dans toute la mesure du possible la merveilleuse poésie qui anime Charlot.» Publié pour la première fois en 1931 et dans sa version définitive en 1957, ce récit n'est ni une biographie de Charlie Chaplin ni une analyse critique de ses films, mais une biographie du personnage de Charlot, créé en 1914. Se souvenant des films de Chaplin, s'inspirant des scènes les plus célèbres, Philippe Soupault retrace le portrait du vagabond poète.
Le roman mêle deux intrigues, d'une part l'ascension de Lucien Gavard (alias Louis Renault, dont Philippe Soupault se trouve être le neveu par alliance), qui grâce à sa passion de la mécanique devient un magnat de l'industrie automobile, et d'autre part l'amour de sa femme Claude pour un chanteur de jazz noir, Putnam. Lucien Gavard est la parfaite illustration du grand patron : « Plus il avançait en âge, plus la passion qu'il nourrissait pour l'usine augmentait. Qu'on ne lui parlât de rien d'autre ! Ces grands murs faits pour enfermer les hommes, ces fumées épaisses, les fracas des ateliers, les moteurs : son horizon, sa vie. » Quant à Claude, qu'il avait épousée pour ajouter une femme à tout ce qu'il possédait, « sa vie était une lente, une monotone promenade sur la route bordée de miroirs. On l'admirait sans la connaître, sans avoir le désir de la connaître. » Mais sa rencontre avec Putnam la fait vaciller, elle qui s'est mariée sans amour est séduite par tout ce que le jazzman, si différent de son mari, représente. Elle est prête de succomber à la tentation, mais finit par rester auprès de Gavard lorsque celui-ci lui demande son appui : son entreprise est en danger et il a besoin d'elle pour garder le courage de lutter. Putnam repart aux États-Unis, où il tente d'oublier en se grisant de vitesse en automobile. Le roman s'achève par la victoire du mariage sur l'amour. Pourfendeur des conventions bourgeoises, Philippe Soupault livre ici une peinture détaillée des situations et des caractères de Paris à la veille de la crise : les bourgeois font la fête et les ouvriers font grève. Il porte un regard d'angoisse sur ce milieu qu'il accuse de tous les vices, regard qu'il confirme dans sa postface au roman dans une réédition au lendemain de la guerre : « Je n'ai pas changé d'avis, au contraire. »
«Il est celui qui ne pense à rien parce qu'il n'a rien à penser. Il est celui qui aime le sommeil une fois pour toutes et qui aime mordre la nuit et l'écraser. Il est aussi celui qui marche seul dans l'ombre et le silence.Il avance. Ses pas frappent la terre. Il n'y a plus pour lui que le froid et le chaud, la pluie et le vent. Rien d'autre. La terre tourne. Il avance dans l'air fluide, dans la lumière rose du matin et du soir. Rien d'autre. Qui l'étonne?Il est né dans un pays où les fleuves ont des milliers de kilomètres, où l'eau roule des cailloux gros comme des têtes, où les orages durent plusieurs semaines, où les lacs qui ont la forme des yeux sont féroces comme les mers, où les nuages sont plus lourds encore que la chaleur, où le feu se propage à la vitesse d'une locomotive.»
« L'imaginaire », aujourd'hui dirigée par Yvon Girard, est une collection de réimpressions de documents et de textes littéraires, tantôt oeuvres oubliées, marginales ou expérimentales d'auteurs reconnus, tantôt oeuvres estimées par le passé mais que le goût du jour a quelque peu éclipsées.
Les cinq contes que renferme cet album conduisent l'auditeur tout d'abord en Amérique du Nord, en Irak et à trois reprises en Europe : France, Écosse et Espagne. Au-delà de l'espace géographique parcouru, qui souligne le caractère universel du conte, le thème commun de la parole et du secret, que développent ces cinq récits nous rappelle qu'en dépit des frontières, des cultures et des distances, les hommes, sur tous les continents, partagent les mêmes rêves, souffrent des mêmes frustrations et aspirent tous au bonheur.
Le talent et l'interprétation généreuse de Philippe Lejour et Céline Liger, accompagnés de virgules musicales, offrent à l'auditeur un vrai moment d'évasion qu'il n'oubliera pas et aura envie de partager.
1. L'Etoile et le Nénuphar 2. Le loup blanc 3.Tom le poète 4. La science de la vie 5. La jeune fille silencieuse
«Le titre de cet ouvrage est emprunté au manifeste Dada de Philippe Soupault, Littérature et le reste (suivi de près par le second manifeste de sa plume, Machine à écrire Dada). Il est à prendre avec toute l'ironie et la distance implicites. Ces deux textes figurent dans Vingt-trois manifestes du mouvement Dada, publié en 1920 dans la revue nommée par dérision Littérature qu'il dirigeait avec Louis Aragon et André Breton. Le titre de Soupault se réfère, comme celui de la revue, au dernier vers de L'Art poétique de Verlaine : Et tout le reste est littérature. L'un des fondateurs du surréalisme, surréaliste dans l'âme jusqu'à son dernier souffle, pour autant Soupault ne s'est pas privé d'aller voir ailleurs. Il s'éloigne de Breton qui, avec Picabia, a déclaré la guerre à Dada. Il lui abandonne la direction de Littérature et crée La Revue européenne. Tout en contribuant aux revues surréalistes, il donne des textes à des revues bourgeoises en France et à l'étranger, des Feuilles libres à La Nouvelle Revue Française, de Broom à Poesia... Curieux de tout, pressé mais toujours disponible, il s'engage dans une activité littéraire multiforme de création et de critique, avec l'esprit d'indépendance, le mouvement perpétuel et les antinomies existentielles qui lui sont propres - enthousiasme et désinvolture, profondeur et légèreté, pureté et provocation, fidélité et goût irrépressible de la découverte.» Lydie Lachenal.
Depuis toujours, Philippe Soupault a choisi d'être un explorateur, un éclaireur, un de ces aventuriers de l'imaginaire curieux des contrées inconnues. De ces expéditions qu'a-t-il rapporté ? Des coquillages, des intuitions, des bribes de prose lumineuse, des poèmes surtout, autour desquels l'époque, la nôtre, s'enroule et se retrouve. Une oeuvre ? Il refusait le mot. Juste quelques merveilles, éparses, fragmentées, comme les rêves d'une génération qui compta Aragon, Eluard, Breton mais aussi Crevel et Artaud. Ce florilège, établi par lui-même à la fin de sa vie, révèle les jalons de son long itinéraire à travers les explosions de Dada et sur surréalisme.
Tous les mercredis, au printemps de 1917, Guillaume Apollinaire vers six heures du soir, attendait ses amis, au café de Flore, voisin de son logis. Blaise Cendrars « s'amenait » (c'est le moins que l'on puisse dire) régulièrement. Je me souviens des visages de Max Jacob, de Raoul Dufy, de Carco, d'André Breton et de quelques fantômes dont il vaut mieux oublier les noms. Le café de Flore n'était pas à cette époque aussi célèbre que de nos jours. Rémy de Gourmont y venait lire les journaux. Blaise Cendrars, le feutre en bataille, le mégot à la bouche ne paraissait pas tellement content.
Philippe Soupault (1897-1990) a été au coeur des bouleversements littéraires et artistiques du début du XXesiècle, acteur notamment du dadaïsme et du surréalisme. Lorsqu'il publie Profils perdus en 1963, il a 66 ans et éprouve le besoin de revenir sur le passé de son aventure humaine et littéraire.
Flâner avec Apollinaire ou Crevel, rencontrer Proust à Cabourg, dialoguer avec Bernanos à Paris ou à Rio, voir Joyce chercher un mot et traduire avec lui des passages de Finnegans Wake, fréquenter le café de Flore. Philippe Soupault parle des figures littéraires majeures du XXe siècle qu'il a connues de près ou de loin. Il peint avec admiration des hommes qui se sont consacrés à leur oeuvre et célèbre des génies, comme le douanier Rousseau qui n'a pas connu la célébrité de son vivant.
Un conte coréen traditionnel. L'histoire de l'empereur du pays du Matin calme qui commande à un artiste-peintre un paravent pour orner son palais où figureront deux dragons, l'un bleu, l'autre jaune.
1914. La fin d'un monde et de la «belle époque». La guerre des tranchées, un cloaque de sang, de sottise et de boue. Le bourrage de crâne, des millions de morts, les gazés, les «gueules cassées»...1918. La révolte de trois jeunes gens, des poètes, traumatisés par les souvenirs de la boucherie, par les malentendus de l'armistice et par la mort de leur ami, le grand poète Guillaume Apollinaire.1919. Naissance du surréalisme avec la publication des Champs magnétiques.1920. La revue Littérature. L'explosion scandaleuse de Dada et ses manifestations tapageuses.1922. Littérature contre Dada. Interview de Freud.1923. La revue européenne. Cent noms aujourd'hui célèbres, les écrivains importants d'Europe.Sans négliger l'anecdote, l'auteur trace de ses aînés et de ses contemporains des portraits fidèles et sans indulgence.