Satan Belhumeur est un diable d'homme. Tanné de vivre une vie de fou et de pauvre malyreux, il s'est procuré un tonneau qu'il a roulé aux environs des Trois-Pistoles et là, écoeuré, il a laissé pourrir dans la poussière deux saint-joseph, puis il s'est promené, flambant nu, dans la bourgade, tenant d'une main son pénis et de l'autre une lanterne. Et il s'est écrié : " Je cherche un homme ! " Ce n'est que plus tard qu'il se rendra compte que cet homme qu'il cherche n'est que l'homme de lui-même.
Victor-Lévy Beaulieu raconte l'histoire de l'Irlande, analyse ses luxuriantes sagas, rend compte de la vie et de l'oeuvre de James Joyce, celui qui, notamment dans Ulysse et Finnegans Wake, a, selon ses mots mêmes, envoyé coucher la langue anglaise. Véritable épopée se racontant dans une écriture somptueuse, James Joyce, l'Irlande, le Québec, les mots est sans conteste l'ouvrage majeur de Victor-Lévy Beaulieu.
Dans le Québec équivoque et incertain dans lequel on vit, peut-on inventer un personnage de roman qui soit totalisant, donc porteur à lui seul de ce qu'il y a dans l'esprit de la race, de la nation et de la patrie??
C'est ce avec quoi se colletaille Habaquq Cauchon, en fouillant si loin dans le passé qu'il découvre que ses ancêtres, avant leur venue en Kebek, étaient pour moitié hommes et pour moitié cochons, et que leur côté grotesque en a fait des hors-la-loi, des rebelles et des insoumis.
En interrogeant quelques-uns des grands libérateurs du xixe siècle (Daniel O'Connell, Simon Bolivar, Louis-Joseph Papineau, Charles Chiniquy, entre autres), Habaquq Cauchon se forge une identité telle qu'elle en devient souveraine à jamais par toute l'indépendance qui la porte enfin.
Sa femme Annabelle ayant tué son cheval parce qu'il le faisait entrer dans la maison, Malcomm Hudd se réfugie dans le ventre du Grand Morial où, devenu alcoolique, il joue ce qui lui reste de vie dans la compagnie de Bob le trafiquant, de son homme de main Ben-le-borgné et de Ricki, ouétrice et danseuse, pauvre fille perdue, amoureuse et tragique.
Qui est cet homme déjà âgé, poliomyélitique et buvant trop dans un hôtel de Libreville ? Il cherche au Gabon les indices que lui a laissés Judith, son premier amour, afin qu´il la retrouve dans un jeu de piste mondial qui l´a mené de l´Amérique à l´Afrique centrale, en passant par l´île de Pâques. Pourquoi elle ne vient jamais aux rendez-vous qu´elle lui fixe de pays en pays, il n´en sait rien. Il persiste, pourtant, chaque fois, à s´y rendre. Un ultime voyage le mènera jusqu´à la vallée de l´Omo, berceau de l´Histoire qui sera peut-être la conclusion de son histoire.
Tout à la fois cantique, lamento et conte drolatique, Bibi est écrit dans une langue foisonnante qui utilise le génie du français, du québécois et de l´imagination de l´auteur, dans la lignée de Sterne et de Joyce - à qui Victor-Lévy Beaulieu a d´ailleurs consacré un essai hilare.